Marie-Anne Delisle s'ouvre sur parcours en tant que thérapeute du sport dans la LHJMQ
Bien que l’expression du genre se traduise maintenant le long d’un spectre, les stéréotypes entre le féminin et le masculin demeurent. Dans le cadre d’une série de portraits, Féminin · · · Masculin veut faire rayonner des personnalités québécoises féminines qui, chaque jour, se démarquent avec succès dans leur domaine, qui dépassent les limites et qui fracassent le plafond de verre tout en défiant les normes de genre.
Elle a toujours rêvé d'être sur les bancs de l'aréna pour soigner les joueurs de hockey. Originaire de la commune de Saint-Marc-Des-Carrières, Marie-Anne Delisle est kinésiologue, massothérapeute et thérapeute du sport pour l'équipe des Saguenéens de Chicoutimi.
La Québécoise de 26 ans à un parcours impressionnant. Après avoir gradué en août 2019, elle est partie travailler dans une clinique en Alberta en janvier 2020. Elle a finalement fini par être embauchée par les Saguenéens en août 2020 et elle a notamment guéri Dawson Mercer, l'ailier droit des Devils du New Jersey.
Son travail consiste à aller chercher le joueur blessé sur la glace, le stabiliser, s'assurer des premiers soins et faire un suivi de la blessure entre les médecins. Elle s'occupe également de la réhabilitation du sportif afin que le retour au jeu se fasse le plus vite possible.
Marie-Anne Delisle se livre aujourd'hui à Narcity sur son expérience en tant que femme dans le milieu du sport.
Marie-Anne Delisle s'ouvre sur son parcours en tant que thérapeute du sport dans la LHJMQwww.youtube.com
Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans ton parcours?
« Le plus difficile dans mon parcours, c’est un peu cliché, mais c'est la pandémie. [...] C’est moi qui devais m’occuper de tout ce qui est gestion de la COVID-19. Puis, l’année passée, ce qui s’est passé c’est que pour jouer, la santé publique nous avait demandé de faire des bulles. Ça impliquait de faire des tests avant, pendant et après la sortie des bulles. Les bulles c’était vraiment des isolements, on n'avait pas le droit de sortir de là, donc on avait le droit d’aller à l’aréna, puis à l’hôtel. Même si on était à Chicoutimi, on n’avait pas le droit d’aller à la maison, il fallait rester à l’hôtel. [...] Il faut vraiment mettre notre vie de côté et mettre toute notre énergie sur l’équipe. [...] C’est toutes des tâches qu’on ne s’attend pas à ce que cela fasse partie de notre créneau, mais on était obligé de faire avec, c'était un beau défi. »
Quels sont les risques et sacrifices que tu as dû oser prendre pour en arriver où tu es?
« En tant que femme, je n'ai pas vraiment eu de contraintes pour arriver où j’en suis. Pour être dans la LHJMQ [La Ligue de hockey junior majeure du Québec], il faut vraiment être bilingue et si tu ne l’es pas c’est vraiment plus difficile. Donc, moi ce que j’ai fait c’est qu’à ma dernière session à l’université, au lieu de rester au Québec, je suis allée faire mes stages en Alberta, à Calgary, dans une clinique entièrement anglophone. J’étais zéro bilingue, puis là je le suis quasiment, fait que c’était un beau défi que je me suis donné pour entrer dans l’organisation.
« Côté différence de sexes, je ne sais pas si c’est les Saguenéens qui sont vraiment merveilleusement bien avec moi, comme vraiment super là, mais je n'ai pas vu de différence puis dans la LHJMQ non plus. Une femme et un homme sont vraiment sur le même pied d’égalité. Je sais que cela pourrait être différent par exemple dans l’Ouest, où les thérapeutes féminines ne sont pas encore présentes, mais au Québec, je n'ai vraiment pas vu de différence à ce niveau-là. »
Quelle a été la réaction de ton entourage?
« En fait, j’ai toujours dit à mes parents, depuis toute petite, que je veux être thérapeute du sport. Je voulais être la personne avec les gants bleus en arrière du banc, cela a toujours été mon rêve, fait que mes parents m’ont toujours poussée vers ça. [...] J’ai annoncé que j’étais avec les Saguenéens à mon père en premier parce qu’il a toujours eu une passion pour le hockey. Quand il a appris la nouvelle, je pense qu’il a pleuré un peu et qu’il était vraiment content.
« Tout le monde était comme : "WOW! La première année que tu sors de l’école, tu as déjà réalisé ton rêve", parce que c’était mon rêve de petite fille de travailler pour les joueurs de hockey, donc ils étaient vraiment fiers et tout le monde m’a vraiment supportée autour de tout ce processus-là. »
Qu’est-ce qui te rend le plus fière de ta carrière jusqu’à maintenant?
« Ce qui me rend le plus fière, c'est le fait de ne jamais avoir abandonné, puis de toujours avoir eu un objectif devant moi, d'avoir toujours mis toutes les chances de mon côté pour pouvoir y arriver. Quand j’étais à l’école, moi j’ai fait mon cégep en deux ans et demi, puis la demie qu’il restait au lieu de me dire ben je vais en profiter, je m’étais dit “oh je vais faire un cours en massothérapie”.
« Après ça, l’été d’après quand j’avais des congés, je m’étais dit “oh je vais me perfectionner, je vais faire de la kinésithérapie", j’ai toujours été focus là-dessus, puis j’ai voyagé beaucoup au travers de tout cela, ce qui m’a appris de belles valeurs. J’étais capable d’avoir un cheminement équilibré entre les voyages, les nouvelles rencontres, puis le chemin qui m'a mené vers la LHJMQ. »
Comment les doubles standards dans le monde du sport se traduisent-ils?
« Ce qui arrive souvent, c’est qu’on est comme une petite famille, on est comme une bulle vraiment très serrée, puis avec ces liens de proximité il faut juste savoir créer ses barrières. [...] Ce sont tous de jeunes garçons entre 16 et 20 ans, donc une fois que tu as mis tes barrières, que tu as établi que, oui tu es une femme, oui tu es dans un milieu de gars, puis que tu es capable d’avoir du plaisir avec eux autres, de déconner avec eux - parce que ça déconne dans une équipe de hockey - puis que tu es capable aussi d’avoir un côté plus sentimental, à l’écoute […], t'es disponible pour eux en tant que professionnelle, mais aussi en tant que personne à qui parler, à qui te ressourcer. Ben une fois que tu es vraiment établie dans ton rôle, il n'y a pas de différence entre un homme et une femme ou presque. »
As-tu eu à subir ou à contrer des stéréotypes de genre tout au long de ton parcours?
« Ouais, des fois, on a des manipulations, des façons de procéder, d’immobilisation qu’on fait où cela prend de la force physique. Des fois, je peux carrément embarquer sur la table avec mon patient pour pouvoir faire une manoeuvre [...] puis là il me regarde et il me dit : "tu ne seras pas capable". Finalement, je mets juste mon pouce un peu et il est comme "OK OK OK" et là je lui dis “ben là, ce n'est pas parce que je suis une fille que je ne suis pas capable”. Il y a des façons de travailler qu'ils nous apprennent et finalement on est capable, nous autres, aussi.
« Ou sinon des stéréotypes du genre “oh c’est sûr que tu dois te faire cruiser” ou “tu vas coucher avec tous les gars de l’équipe” des trucs du genre, ça ça arrive souvent. Des fois, tu es comme “ben voyons là, je suis établie, c’est clair que je suis professionnelle". C’est comme s'il allait à la clinique de physio à côté, ce n'est pas parce que c’est une fille qui va te traiter qu’une fois que la porte est fermée, elle va coucher avec son client, c’est la même chose pour moi, c’est exactement pareil. »
Comment fais-tu pour t’assurer de l’équité salariale lors de tes contrats?
« La Société de corporation du sport du Québec a une sorte de charte, donc c’est un petit peu un guide pour nous. C’est grâce à cela qu’on peut différencier, ce n'est pas coulé dans le béton, ce n'est pas obligé d’être comme cela, mais, peu importe les hommes ou les femmes, c’est pareil. De ce côté-là aussi il n’y avait pas de problème, mais je me suis informée aussi, de mon côté, je n'ai pas vraiment eu de problème de salaire, que je sois une femme ou un homme. Si cela est arrivé, je ne l’ai pas vu passer. »
Quels conseils aurais-tu à donner à celles qui voudraient percer dans un monde plus masculin?
« Dans un monde masculin, tout est possible tant que tu mets tes barrières et que tu ne te laisses pas avoir. [...] Il faut quand même avoir une bonne force de caractère, il faut savoir être professionnelle, puis comme dans tous domaines, si tu montres que tu es travaillante, capable de donner un bon rendement, capable d’être là quand il faut, d’être disponible, puis que tu fais plus que ce qui est demandé, peu importe, le métier, que tu sois un homme ou une femme, tu vas réussir. [...] Puis de montrer que tu es capable de faire le même travail qu’un homme va faire.
« [...] Pour vrai là, tout est possible, si tu veux le faire, vas-y fonce. »
Quels sont tes projets, tes ambitions pour le futur?
« J’aimerais vraiment ça percer dans le domaine, c’est sûr que c’est difficile et qu'il y en a vraiment pas beaucoup qui sont capables d’être de haut niveau, mais mon rêve ultime depuis que je suis toute petite, ça a toujours été de travailler dans la LNH. Je croise les doigts, on va voir ce que l’avenir me réserve, mais je le lance dans l’univers puis j'essaye de faire tout ce qu’il faut pour ça. »
Cet entretien a été édité et condensé afin de le rendre plus clair.
À noter que l'écriture inclusive est utilisée pour la rédaction de nos articles. Pour en apprendre plus sur le sujet, tu peux consulter la page du gouvernement du Canada.